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Un grand artiste et un ami
Jean PARENTE
Architecte


J’ai rencontré Etienne à Châteauvallon, à la merveilleuse époque des festivals de jazz et de musique classique en plein air... du “Living Theater” et autres...

Il a fait alors d’ailleurs une très belle exposition dans le vieux bâtiment d’origine de ce beau lieu.

Ce ne devait pas être très loin de “Mai 68”. C’était pour tous un moment où tout semblait possible.

Ses œuvres, l’homme, m’ont tout de suite profondément touché. J’ai aimé à la fois son côté ouvert, sa modestie, son enthousiasme et ses ambitions. Il a eu la générosité de me faire partager sa grande culture.

Il avait une grande exigence pour lui-même et tant d’objectivité et de tolérance pour les autres. Il savait être prêt à tout regarder, à tout entendre, etc... Il m’a beaucoup aidé dans ce sens-là.

Pour moi, ses emballements me poussaient à mieux essayer de comprendre ce qu’il souhaitait que j’aime comme lui. Il aimait Bruegel, Klee, Picasso, Braque, Prassinos, Clavé, Pignon, Bacon, etc...

Il aimait faire partager ses joies esthétiques.

Je le perdais parfois de vue pendant de longues périodes.

Un jour, il débarquait sans prévenir à mon bureau.

Pour lui, j’étais toujours disponible, que je sois absorbé par mon métier ou pas. Il m’a tellement apporté par son œuvre et ses connaissances de tous ordres, qu’elles soient artistiques, humaines ou politiques.

Il m’a aussi aidé à avoir confiance dans mes réactions devant les œuvres.

Pour moi, qu’est-ce qui caractérise son œuvre ?

D’abord, le choix de ses thèmes les plus fréquents : natures mortes, paysages sylvestres, le mouvement dans ses guitaristes, tennismen et couples, jeux érotiques.

Il y avait aussi une telle adéquation de ses thèmes avec sa vie de l’instant. Le plaisir de sa technique presque classique (économie de matière, peu d’épaisseur).

Tantôt le support transparaît à travers la peinture, pas de pâte, tantôt c’est un glacis brillant presque à l’ancienne.

Pourtant, il a essayé des moyens très différents.

Un grand coloriste : surtout le courage d’accords de teintes difficiles à allier qui lui sont tout à fait personnelles, souvent ses couleurs sont très vives, à la limite du choquant sans y arriver toutefois.

Un sens fabuleux de la lumière : contre-jours dans ses paysages au soleil couchant avec de longues ombres portées. Les éclairages sur la neige.

Le choix de ses effets : sculpturaux (contours polylobés définis par Monsieur Monnier) des arbres par exemple que l’on retrouvera dans ses sculptures métalliques par exemple de la fontaine de la Caisse d’Epargne de La Seyne.

Par de larges touches à la manière impressionnistes pour traduire les vibrations de la lumière et des teintes en mouvement. Ses jets de matières par petites et grandes taches (références peut-être à Clavé ou Pollock).

Un grand poète : on a l’impression que pratiquement toute son œuvre n’est pas faite sur le motif mais dans son souvenir, son imagination, son imaginaire.

Son œuvre laisse à voir, écouter, presque à sentir si j’ose dire... mais toujours ce qu’il offre à nos sens est suggéré. Le dessin est présent mais il reste à deviner.

Un dernier de ses traits : ses tableaux pouvaient être en cours ou même jamais terminés si bien qu’avec bonheur, certaines parties ne paraissent pas tout à fait finies de sorte que le tableau reste vivant.

A tel point que j’ai choisi un jour chez lui un tableau monochrome rouge violacé que j’aime beaucoup. Je n’ai jamais su s’il était vraiment en cours ou simplement inachevé ou fini à ses yeux. Là l’imagination est comblée. Est-ce abstrait ? Un détail de sous-bois ou d’un bois tout entier ? Mais quel plaisir !

Je croyais tellement en lui que lorsqu’il était tombé malade je n’ai jamais imaginé sa disparition. Et depuis, il me manque beaucoup. Mais il me reste heureusement beaucoup de lui chez moi, sa musique lumineuse et coloriée, l’ambiguité de sa figuration abstraite qui laisse toujours à découvrir et à imaginer.


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